Parler de la violence en milieu militant génère immanquablement des réactions de rejet, des prises de position opposées et des attaques sur la méthode, les personnes et / ou les collectifs concernées. Selon certaines personnes, les violences considérées comme privées devraient rester dans le cadre privé. C’est la méthode employée dans le cadre familial pour étouffer la parole des personnes violentées et le meilleur moyen de ne pas remettre en question la structure qui admet ou légitime la violence.
Ce texte doit permettre aux Panthères roses de réagir lorsqu’elles sont saisiEs par une personne dénonçant des violences commises entre individuEs dans les milieux militants, précisément dans le cas de violences qui rendent le partage des espaces militants nécessaire.
Cette réflexion s’inspire et s’inscrit dans la lignée des travaux produits par d’autres collectifs féministes (cf. bibliographie ci-dessous).
La dénonciation des violences et la lutte contre celles-ci est un volet du combat féministe au même titre que les actions et réflexions menées sur le genre, le travail, les discriminations et les oppressions. Ce combat s’inscrit dans la conviction que le privé est politique ce qui induit de refuser la privatisation de ces questions en les renvoyant dans le champ individuel. L’attention, l’interrogation et le traitement collectifs des dysfonctionnements internes à nos mouvements est un héritage du mouvement féministe.
Nous sommes conscientEs que les violences peuvent s’exercer au sein même de nos courants politiques et ne sont pas que le fait d’hommes extérieurs. Nous dénonçons la croyance qui a parfois cours que les femmes ne seraient que victimes du sexisme et incapables de produire ou d’en relayer les violences. Nous partons du principe que les personnes désignées comme violentes ne sont pas des monstres à ostraciser, mais le produit d’une société qui se structure par la violence.
Nous remettons en cause le principe d’égalité entre les personnes qui renvoie agresseurEs et agresséEs aux mêmes responsabilités et qui induit la participation des agresséEs dans le déclenchement des violences pour en minimiser la portée.
Les moyens que nous cherchons à mettre en place visent à :
Pour mener à bien ces objectifs nous faisons attention à maintenir une démarche collective dans laquelle nous visons le même consensus que pour les autres actions.
Afin de ne pas exposer les personnes impliquées à des attaques personnelles, nous souhaitons maintenir leur anonymat. De plus, nous sommes conscientEs qu’une personnalisation reporte l’attention vers les individus au détriment de l’élaboration d’une solution.
Nous ne nous autorisons pas à juger quiconque, ni les agresseurEs, ni les agresséEs.
Nous prenons en compte les difficultés que les agresséEs peuvent rencontrer pour s’exprimer et nous écoutons ce qu’elLEs veulent dire.
Nous n’exigeons aucune explication ou preuve autre que ce qu’elLEs décident de dire.
Nous n’avons pas d’exigence sur l’attitude des agresséEs (il n’existe aucune « bonne » attitude), dans la limite d’exercer à son tour la violence.
Nous visons à créer un espace de confiance qui permet de ne pas mettre en question ce que dit l’agresséE.
Nous cherchons ensemble les actions à mettre en place en veillant à ce qu’elles soient supportables et assumées pour les agresséEs, les agresseurEs et le collectif.
Nous ne souhaitons pas de condamnation, nous travaillons en faveur de l’agresséE, pas en défaveur de l’agresseurE.
La recherche de médiation est un outil qui peut être utilisé pour faire prendre conscience à l’agresseurE de ce qu’il s’est passé et trouver les modalités qui permettront à l’agresséE d’évoluer sereinement dans les espaces militants.
En cas d’échec ou de refus de la médiation, en cas de non respect de l’accord de la médiation, le seul outil à notre disposition est la mise à l’écart temporaire de l’agresseurE des espaces militant afin d’y permettre la présence de l’agresséE. Cette solution ne nous satisfait pas, une alternative doit être trouvée.
Nous encourageons la mise en place d’un cadre qui permettra qu’unE agresseurE puisse travailler sur ses actes de violence en confiance et sans jugement.
Nous déplorons que toute visibilisation de violence déstabilise les espaces militants et génère un climat de défiance. La minimisation, voire la négation de la parole des agresséEs relève d’une tentative de contournement de la question politique posée collectivement. Les tentatives de retournement de situation menées par les agresseurEs sont courantes et doivent être désamorcées.
Nous souhaitons des espaces militants capables de s’interroger et traiter les violences en son sein car cela nous fait avancer dans l’élaboration de nos projets et utopies. La garantie d’espaces sûrs pour touTEs consolide nos liens et nous renforcent dans les luttes. Notre capacité à travailler toutes les questions, même les plus inconfortables, nous permet de réfléchir et contrer les mécanismes sexistes à l’œuvre dans la société et qui, forcément, nous traversent.
Nous cherchons à poursuivre l’élaboration sur ce sujet avec les groupes et les personnes féministes ayant une réflexion sur ce sujet. Nous publierons toutes les contributions qui précisent, contredisent, affinent et complètent les propositions de ce texte.
C’est pourquoi ce texte est ouvert à commentaires modérés à priori. Cela ne signifie pas pour autant que les Panthères roses sont d’accord avec leurs contenus et les assument mais simplement que nous jugeons que ces contributions sont utiles à la réflexion.
Nous poursuivrons notre réflexion avec ces apports pour aboutir à la rédaction d’un texte plus riche. Nous souhaitons que ce texte contribue à l’ouverture de travaux dans d’autres groupes et que des échanges aient lieu sur ce sujet.
Pour être tenuE au courant de ce qui agite les Panthères, inscris-toi à la lettre d’infos.
Pour réagir à quelque chose qu’on aurait fait (ou pas fait), bien (ou pas bien), envoie un mél.
Notre adresse postale : Les Panthères roses - Maison des associations du 10ème - 206 quai de Valmy 75010 PARIS
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Messages
1. Comment lutter contre les violences et leurs conséquences dans les milieux féministes par une prise en charge collective ?, 23 janvier 2011, 20:26, par cyb
je trouve aussi qu’il est important et necessaire d’y reflechir ensemble.., pour que nos espaces soient vraiment safes pour touTEs.
trouver des moyens pour qu’une personne ayant subie des violences de la part d’unE des ses partenaires, ne soit pas excluE, isoleE de nos espaces par sentiment d’insecurité..
et ce sans pour autant stigmatiser, isoler, ignorer, bannir, la personne ayant fait subir ces violences..
c’est complique, on touche la au prive, qui finalement est politique, puisque qu’il s’agit de reflechir a notre systeme de domination.On peut touTEs etre violentE a un mmt donné, dans une situation donnee, et on peut touTEs aussi vivre une relation ou il y a violence..
En parler, s’emparer nous meme de cette question, reflechir ensemble pour que nos espaces soient reellement safe et en meme temps tenter de deconstruire les processus de dominations interiorises. il y a la un taf enorme, et difficile puisque cette question remue bcp de choses qui sont de l’ordre de l’emotion, de l’intime, mais aussi parce qu’on nous a pas appris a nous remettre en question en tant qu’etre capable de violence et encore moins a ne pas ressentir de honte lorsqu’on a soit meme subie des violences.Difficile donc de faire sortir du placard cette reflexion, il semble que nier paraisse plus simple pour la plupart des parties.Pourtant, je suis persuadeE que nous devons nous emparer de cette reflexion ..alors jy reflechis.et vais suivre attentivement vos reflexions.
2. Comment lutter contre les violences et leurs conséquences dans les milieux féministes par une prise en charge collective ?, 23 janvier 2011, 21:26, par Cécile
Bonjour, puisque les commentaires et contradictions sont bienvenuEs...
Dans un premier cas, on parle d’une opinion, dans le second, d’une stratégie, déjà sur ce point je pense qu’on a le droit de distinguer les violences selon qu’elles soient publiques ou privées sans pour autant se faire complice de méthodes d’oppression.
Là encore, la pensée est dirigée, l’opinion cataloguée. On peut considérer que des violences dans une relation à 2 sont le fait et de l’agresseur qui les commet, et de l’agressé qui les accepte, sans pour autant avoir comme but de les minimiser. Combien de couples ont ou ont eu un fonctionnement basé en partie sur de la violence, de la pression ? Combien d’entre nous, du fait de leur histoire, de leur passé, de leurs références, se retrouvent toujours dans le même schéma amoureux, avec quelqu’unE qui les domine, ou quelqu’unE qu’ils/elles dominent ? La choix de chacun n’appartient qu’à soi-même, et il est des situations conjugales empreintes de violence de toute nature où pour autant chacunE y trouve son compte.
Je ne suis pas certaine que la présence de violences dans les milieux féministes soit en soi une découverte ou un scoop, pour le reste, c’est peut-être bien à la nature humaine que la violence est structurelle. Que cette question se discute politiquement et collectivement reste à discuter, en tous cas ne s’impose pas.
Les Panthères Roses ont-elles réellement les moyens de "permettre aux agresséEs comme aux agresseurEs de garder un espace pour militer et se socialiser" ?? Je n’en suis pas certaine, en tous cas ce qu’elles ont prouvé jusqu’alors c’est qu’elles cherchaient surtout à exclure unE présuméE agresseuse ("présuméE", comme dans "présomption d’innocence"), 3 fois par an, d’un espace festif et militant. En supposant que l’agresseuse en soit vraiment une, ces pratiques mettent-elles vraiment la communauté à l’abri ?
En un mot, cette stratégie est-elle efficace ?
Comment "empêcher l’auto-exclusion" et/ou exclure des accuséEs sans les nommer ? Il s’agit de secrets de Polichinelle ! Dans les quelques cas de violences qui ont secoué la communauté, les noms circulent...
Parce que dire d’unEteLLe et à propos d’unEtelLE "c’est unE agresseurSE" ce n’est pas la juger ? Et sans procès qui-plus-est !
Et ce n’est pas un problème ???
Nous cherchons ensemble les actions à mettre en place en veillant à ce qu’elles soient supportables et assumées pour les agresséEs, les agresseurEs et le collectif.
Est-ce possible ? Exclure quelqu’un au profit de quelqu’un d’autre est forcément préjudiciable à l’une des 2 parties non ?
Même remarque.
Et en cas d’ABSENCE de médiation, il se passe quoi ? Le cas échéant, quelles modalités d’accord ? Qui juge du respect de l’accord ? Les Panthères Roses ? Nouvelle instance de médiation qui peut faire l’objet d’une saisine, décider d’une médiation et en apprécier la réussite...?
Quelle définition de "temporaire" ? Est-ce quand l’agresséE va le décider que l’accuséE va pouvoir à nouveau circuler librement ?
Quel cadre ? Qui appréciera le travail de l’accuséE ? Qui estimera que l’effort de repentir et de réinsertion est accompli ?
...ce qui signe l’impossibilité pour l’accuséE de RÉFUTER des accusations. Soit de se défendre. Encore une affirmation sans issue : quiconque réfute tente de contourner une question politique posée collectivement, et se rend alors coupable de sabotage ??
Pour m’exprimer plus clairement, j’ai déjà vu plus "défiant" comme climat..
Quand une orga (les Panthères Roses), par la voix d’une de ses militantes, accuse dans un mail public "une personne proche d’Act Up" d’avoir violenté une militante des Panthères, on pourrait, on aurait pu s’attendre à une drôle d’ambiance..
Or, depuis cette sordide histoire, on a pu voir un communiqué de presse co-signé par Act Up et les Panthères, et unE/des membres des Panthères évoluer librement et régulièrement dans les locaux d’Act Up.
Les espaces militants ont été partagés de nombreuses fois, sans heurts, sans doute en partie parce que la rue demeure un espace public, manif ou pas, prérogatives des Panthères Roses ou pas.
Voilà, je souhaite que mes questions trouvent réponse, et je dirais de ce texte que la théorie suit la pratique, au lieu de la précéder.
La violence est polymorphe, l’exclusion en est une forme, l’arbitraire aussi il me semblait que c’était acquis pour les Panthères Roses.
J’espère que ma contribution passera les griffes des modérateurs, mais au point où on en est, j’en doute un peu.
_A suivre.